Édito

Thibaut FLEURY GRAFF

L’asile est assurément indissociable de la frontière : celle-ci marque les contours du refuge, protège celui qui craint les persécutions de ses persécuteurs, empêchés de la franchir. Le rattachement au pays d’origine, dans le droit international et européen de l’asile, trace la ligne entre nationaux et étrangers, frontière des appartenances qui permet la protection internationale des seconds : on ne cherche pas asile au sein de son propre pays. Encore faut-il cependant à l’étranger qui cherche une protection pouvoir, précisément, franchir cette frontière.

Le franchissement des frontières en masse : à la recherche d’un comportement fautif

Stefanos GAKIS

La pratique des dernières années met en évidence la montée d’une logique de recherche de faute dans la gestion des franchissements massifs de frontières. En effet, l’accent se déplace des critères objectifs d’« afflux massif » vers l’évaluation d’un comportement fautif, soit imputé aux migrants lors du franchissement, soit attribué à des acteurs tiers au titre de « l’instrumentalisation ». Cette approche s’inscrit dans la dynamique préexistante d’externalisation en faisant peser sur les migrants ou sur des États tiers la responsabilité de la gestion des frontières.

Les voies légales à la frontière franco-britannique : chronique d’une décennie d’évolutions

Lucie BICHET

Depuis le Brexit, les traversées de la Manche en small boats ont connu une augmentation rapide et soutenue. Ce phénomène met en lumière la question du franchissement de la frontière franco-britannique pour les personnes exilées et soulève, en creux, celle des possibilités d’accès légal au Royaume-Uni. Alors qu’un nouvel accord bilatéral pour freiner ces traversées vient d’être adopté en juillet 2025, introduisant une voie légale d’accès au Royaume-Uni en contrepartie d’un mécanisme de réadmission, cet article retrace l’évolution, au cours de la dernière décennie, des voies légales accessibles aux personnes exilées à la frontière franco-britannique.

L'instrumentalisation des frontières américaines : une érosion progressive de l'effectivité du droit d'asile

Alice BOURGEOIS

Les États-Unis ont transformé leurs frontières nord et sud en obstacles systématiques à l’exercice du droit d’asile. La Proclamation n°10888 du 20 janvier 2025 constitue l’aboutissement de cette politique restrictive : elle suspend formellement l’accès à la protection internationale à la frontière sud en qualifiant les flux migratoires d’« invasion ». Cette instrumentalisation transcende les clivages partisans et révèle une mutation durable du rapport américain au principe de non-refoulement.

Découvrir

L'absence de réglementation des voies légales et sûres de protection en France : une bénédiction déguisée ?

Tano Kassim ACKA,

Emiliya BRATANOVA

Cet article s'interroge, premièrement, sur la manière dont les voies légales et sûres, en particulier la réinstallation et les couloirs humanitaires, sont réglementées dans la législation française et sur la manière dont elles sont mises en œuvre dans la pratique, et deuxièmement, sur les implications de cette réglementation et de cette mise en œuvre sur la promesse des voies légales d’offrir des entrées régulières aux fins d'asile. 
En utilisant une approche juridique et politique, notre recherche montre qu'il n'y a pas ou pas suffisamment de réglementation juridique des voies légales dans la législation française. Ce fait permet une flexibilité dans la pratique qui convient aux différentes parties participant au processus de mise en œuvre. La flexibilité peut également être considérée comme un avantage qui rend les voies légales possibles dans un contexte politiquement conflictuel. Toutefois, en l'absence de réglementation claire, il n'y a pas de garanties de prévisibilité et de régularité de la procédure tant pour les bénéficiaires de ces voies, que pour les organisations qui les mettent en œuvre. De plus, cette situation ne contribue pas à réduire la fragmentation des voies légales, ce qui soulève la question de l'opportunité de leur régulation non seulement en France, mais également de manière plus large.

15/11/2025

Une frontière méconnue et incertaine du système africain de l'asile : l'instigation des changements anticonstitutionnels ?

Salomon AMANI,

Rodrigue KABUNDWA,

Paterne MURHULA

Une frontière normative divise le droit africain de l’asile. La Charte africaine de la démocratie (2007) trace une ligne infranchissable en interdisant l’asile aux auteurs des changements anticonstitutionnels. Face à elle, la Convention de Genève de 1951 érige le non-refoulement en rempart intangible. Cette contradiction crée une zone frontière juridique et éthique où les États, écartelés, optent souvent pour une protection informelle de facto. Cet article cartographie cette frontière méconnue et explore des pistes pour la surmonter, comme le recours à des sanctions ciblées et autres. 

15/11/2025

Rechercher un article

La garantie du droit (individuel) d’asile de l’article 18 CDFUE aux frontières extérieures de l’Union européenne :

Maéva DESPAUX

La réponse de l’Union européenne aux phénomènes d’« instrumentalisation » des migrations révèle une tension croissante entre les considérations de sécurité et la garantie du droit fondamental d’asile consacré par l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux. La communication de la Commission européenne du 11 décembre 2024, qui évoque la possibilité de déroger au droit dérivé sur le fondement de l’article 72 TFUE et d’imposer des limitations au droit d’asile, illustre particulièrement cette tension. Alors que les nouveaux instruments européens — tels que le Règlement « crise » et la modification du Code frontières Schengen — autorisent des dérogations aux procédures d’asile, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle que la garantie du droit d’asile implique l’accès effectif à une procédure, dès l’arrivée aux frontières extérieures, ainsi que le droit d’obtenir un statut protecteur lorsque les conditions sont réunies.
À partir d’une analyse de la jurisprudence récente, cette contribution met en évidence que la lutte contre l’« instrumentalisation » des migrations ne saurait justifier une restriction disproportionnée de l’exercice du droit d’asile. En affirmant la dimension individuelle de ce droit, la Cour de justice confère à l’article 18 CDFUE une fonction d’articulation des instruments du droit dérivé de l’asile, à la faveur de la configuration d’un véritable « système européen commun d’asile ». Or, cette dynamique demeure largement éclipsée par la prééminence des enjeux de sécurité dans la réponse européenne aux défis migratoires.

15/11/2025

Quel avenir pour la demande d'asile des mineurs non accompagnés à l'heure du nouveau Pacte asile et migration ?

Léa JARDIN

Les mineurs non accompagnés constituent une catégorie particulière de demandeurs d’asile. Ils bénéficient généralement de dérogations et d’adaptations du droit commun applicable en matière d’asile afin de les protéger au mieux en l’absence de leurs représentants légaux. Le nouveau Pacte sur l’asile et la migration de l’Union européenne revient sur les garanties apportées précédemment par le Régime d’asile européen commun. Notamment, il a privilégié, à plusieurs stades des procédures qu’il encadre, une application du droit commun à ces mineurs au détriment du respect de leurs droits. En ce qui concerne la principale adaptation qui leur est accordée, c’est-à-dire la désignation systématique et sans délai d’un représentant légal, le nouveau régime semble incomplet.
Malgré quelques avancées, la mise en œuvre de cette désignation, en particulier lors de la nouvelle procédure de filtrage, risque de poser un certain nombre de difficultés pratiques. Le Pacte ne semble pas avoir fait de l’intérêt supérieur de ces enfants une considération primordiale.

15/11/2024

Le mineur accompagné : pars viscerum matris ou demandeur d’asile à part entière ? À propos de l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 27 novembre 2023 dans l’affaire « enfant N. S. »

Lola MAZE

Le lien familial entre l'enfant et ses parents, lorsque ces derniers sont eux-même demandeurs d'asile, complexifie le traitement procédural de la demande d'asile du mineur accompagné, devant l'OFPRA comme devant la CNDA. La contribution revient ici sur la jurisprudence récente du Conseil d'Etat qui apporte d'importantes précisions en la matière. 

15/11/2024

En savoir plus

2016_learning_center_patio.jpg

Comité scientifique

Comité scientifique du GERAS 2019

20190304_bu-charcot_web_4_sur_4.jpg

Soumettre une contribution

Appel à contributions pour le prochain numéro du BPDA